lettre ouverte

Pour décompresser entre deux schémas de biologie cellulaire...
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Luk
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Bonjour tout le monde, j'ai hésité avant de publier ça mais voilà je suis en Paces et je suis arrivée à un point où je n'en pouvais plus, j'étais complètement déprimée, donc j'ai écris une lettre ouverte au système d'études (ou au système tout court) dans lequel nous sommes. On m'a conseillée de la publier qu'elle pourrait faire du bien a ceux dans la même situation, les découragés mais les vaillants ! 
En tout cas, le but que j'ai en la publiant c'est d'ouvrir la parole à ceux qui, comme moi, se sentent seuls en ce moment. 
Force et courage à tous les Doublants, les Pass, et tous les étudiants en médecine de manière générale.  Ne lâchez rien, au bout du compte il y a un des plus beaux métiers du monde, et c'est à nous de le rendre meilleur encore. 
 
"Lettre ouverte à mes tortionnaires des deux dernières années,
 
Alors voilà, je vous écris du bureau où j'ai passé tant d'heure à essayer en vain de vous plaire. Je vous écris du bureau où je me suis sentie mille fois plus vivante que nulle part ailleurs et tout autant de fois abattue. J'ai aimé apprendre à vos cotés, découvrir les joies du labeur, et la fierté, les yeux rivés sur un seul et unique but. J'ai presque aimé me faire maigrir, me contorsionner, érafler ma peau pour rentrer dans la petite boite que vous avez créer, froide et métallique, et qui m'assurerait l'avenir rêvé. La boite dont vous avez d'ailleurs décidé qu'elle serait le seul passage possible.
 
L'avenir rêvé de mes trop grand rêves d'enfants, ceux de vouloir aider, soigner, ceux d'apprendre méticuleusement chaque détails du corps et de l'esprit pour offrir des sourires à la souffrance ce sont quelques peu évanouis. Mais mes rêves de la victoire du bien contre le mal, du soin contre la maladie, de l'inspiration contre l'asphyxie, ça ça n'est pas vous qui les avez détruits. Ils se sont complexifiés selon l'ordre des choses, et naturellement face à ce beau chaos qu'est la vie. J'ai fini par comprendre que je ne serais pas ce héros en blouse blanche venant éradiquer les malheurs du monde. J'ai simplement accepté la maladie comme étant une part de la santé, comme étant un signe du corps à l'esprit ou l'inverse. Comme étant une ivresse. Comme n’étant pas l'ennemie à abattre mais l'ami incompris et reclus, devenant de plus en plus violent si l'on ne l'écoute pas.
Mais revenons à mon propos qui je le sais n'est pas clair. J'ai accepté que je ne serais pas ce héros mais comprenez bien que je n'avais pas renoncé à la blouse. Elle était pour moi le seul moyen de parvenir à me réaliser, à m'épanouir de la manière dont je l'entendais. Face aux sacrifices j'avoue avoir hésité, mais l'image du travailleur acharné passant des heures seul, fier et déterminé dans le noir me paraissait alors si séduisante. Comprenez bien que j'étais déjà rentrer dans vos filets. Qu'ils faillent abandonner son cœur rien qu'un ou deux ans, pour pratiquer un des métier les plus humain qui soit ne m’étonnait même plus. Vous ne me surprenez plus.
La force de la pensée étant bien plus puissante qu'on ne peut ne serait-ce que l'imaginer, ma première année s'est déroulé comme sur des roulettes même si elle s'est soldée par un échec. Moi qui avais l'habitude d'écrire pour me libérer, je me retrouvais à culpabiliser de prendre le temps de noter mes idées abstraites et obsédantes sur des post-it au lieu de réviser ardemment comme le veux la légende. J'étais dans le moule, mal être acceptable compris dans la formule. Ma pensée était logique, implacable, binaire. Mon temps était minutieusement réglé, intégré, et plat. Et je m'en sentais capable. Et je m'en sentais coupable. Un concours pour une vocation ? Facile !
Les doutes m'assaillaient tout de même souvent, il faut dire que j'avais beau être entrain de rentrer dans votre boite glaciale, avoir pour devoir d'abandonner toute recherche de sens (puisqu'il n'y en a pas) n'était pas évident. J'avais lu trop de philosophie et trop de fois écouté mon cœur pour cela. En fait, il me manquait ce petit quelque chose qui relève de l'obstination ou du robotique pour passer outre cette absence de sens. On me reprochait de trop réfléchir, mais n'est-ce pas là une qualité essentielle d'un médecin ?
 
Je conçois qu'un médecin doive être déterminé, exécuteur, sur de lui, qu'il puisse être capable de retenir beaucoup d’informations. C'est ce que cette première année nous module à devenir : des pions. Et pourtant, il me semble que la candeur, la remise en question, et apprendre à travailler avec ses émotions et non pas à les faire taire bêtement et systématiquement sont aussi des qualités essentielles. Comment peut-on prétendre fabriquer des médecins en les faisant passer par une ou deux années qui les rendent malades ?
Voilà mon point, je sais ce que vous allez me dire, que c'est une sélection et que c'est ainsi. Que oui les critères peuvent être légèrement injustes mais que justement les trop malades seront ceux qui ne passeront pas. Les faibles mentalement, les trop gentils, les trop sensibles, les trop à l'écoute. Voilà ce que vous voulez nous faire croire, voilà ce que vous m'avez fait croire. Or, je suis trop bien entourée pour accepter l'idée qu'un médecin ne doive pas être trop humain. Qu'il se doit d’être compétitif, froid, stable et à l'épreuve de tout. Non, vous ne me ferez pas croire qu’être sensible, protecteur, et touché par la vie sont des défauts pour aider les autres à aller mieux. Non vous ne me ferez pas croire que seul l'aspect scientifique compte, aussi important soit-il. Et vous ne sortirez pas non plus de mon esprit qu'avant toute chose un médecin doit être capable de se soigner lui-même avant de pouvoir ne serait-ce qu’espérer pouvoir soigner un autre. Mais alors dans quelle impasse suis-je, si pour être médecin comme vous l'entendez je dois me fragmenter, me soumettre, et obéir à vos codes, à vos perceptions malades ?
 
Cela n'a rien à voir avec mes capacités intellectuelles, j'ai engloutit tellement de connaissances récemment que j'en vomissais tout les matins. Être sensible et à l'écoute ne sont certainement pas des freins à ces capacités là, au contraire, elles les nourrissent, elles leurs donnent du sens. L'enfant que j'étais voulait être médecin un peu naïvement, mais avec une profonde justesse. La femme que je suis entrain de devenir se heurte à des murs si solides et si froids que vous alliez presque gagner. Que j'allais m'abattre, trouver un métier alternatif au grand diplôme de médecin si durement mérité. J'allais ravaler ma rage, j'allais ravaler ma blessure. J'allais me taire, mettre quelques années à guérir de cette opportunité raté et continuer ma vie avec le cœur lourd. Le temps aurait gommé ces regrets et un bout de moi avec, mais voyez vous je ne vais pas choisir ce chemin.
 
Il est terrifiant de s'ériger contre un système, de son si petit soi face à une complexité qui a trouvé partout ses raisons d’être. Il y aura toujours une excuse au mal que vous faites.
Je n'ai que 18 ans, et pourtant, une partie de moi bien plus forte que ce que je ne le crois est intimement convaincue que la médecine se fait autrement. Que soigner est un art subtil, fait de pleins d'équilibre et de déséquilibre successifs. Fais de beaucoup de perceptions, de sensations infinies à développer. Me voilà dans le brouillard, entre votre manière tout simplement ahurissante de concevoir ce métier et les études qui l'y mène. Perdu entre ça, et mon espoir profond, chaud et vivant non pas seulement d’être médecin, mais aussi de voir les gens appendre à se soigner tout seul. Qu'ils prennent conscience de leurs richesses intérieures, de leur merveilles de corps et d'esprit.
Alors non, vous ne me ferez pas croire que le monde que vous avez construit de toute pièce est tel que la nature le veut. Si c'était le cas, l'hostilité même y trouverai sa place le plus simplement qu'il soit. Or celle qui règne ici-bas est répugnante et martelée d'injonctions qui la pousse à grandir.
Pour ma part, je vais aller à la guillotine la tête haute. Voilà ce qu'est votre concours. Un abattoir violent pour ceux qui ne le réussissent pas et bien plus subtil pour ceux qui le passent. Vous tentez d'abattre la nature même de ce pourquoi un homme veut guérir. Et vous ne m'aurez pas. Le chemin qui s'ouvre devant moi et que j'entraperçois à peine est en friche, bien loin de la voie royale que je suis sensée empruntée pour devenir votre pantin. Puisque je suis persuadée du fond de mon cœur et à en pleurer qu'il y a d'autre moyen de soigner. Bien plus riches, bien plus entiers.
Alors voilà, cela va être dur, cela l'est déjà. Je vais devoir me détacher des perceptions erronées que j'ai de moi-même, je vais devoir me battre d'arrache-pied sans perdre espoir. Sans perdre de vue l'objectif qui est encore si peu concret à mes yeux, mais je vais m'y accrocher corps et âme. Et vous verrez, qu'un concours, qu'un diplôme ne sont pas la composante ultime pour faire de sa vie une ode à l'espoir. Pour faire de sa vie une épopée.
Je compte bien apprendre tout ce qu'il m'est donné d'apprendre sans plus attendre que les signes ou les bonnes personnes m'indiquent le chemin à suivre. Je suis entourée de bienveillants qui sans scrupules m'offrent des claques de vérités quand je m'égare, alors je retomberais toujours sur mes pattes. Peu importe l'épaisseur des brouillards que je traverserais. J'ai le cœur bien accroché et les émotions volatiles. J'ai l'air et l’âme sensibles et bien trop souvent des œillères au yeux qui biaisent ma vue. Mais soyez-en sur, je serais médecin."
 
Merci infiniement d'avoir pris le temps de lire, encore courage !
 
medlife
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Ta lettre est vraiment touchante et véridique, ,et c’est moi qui te remercie de m’avoir fait lire cette belle lettre


Bon courage à vous, les PACES, Les PASS mais aussi Les LAS


Si vous pouvez le rêver vous pouvez le faire !
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Link Cartoon
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Un grand bravo et un grand merci pour cette magnifique lettre! Courage à tous! 
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ElGuapeton
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Tout simplement magnifique !
On sent ta détermination malgré les épreuves ! 
Merci de nous l'avoir fait partagé.
 
Courage à vous tous, vos efforts finiront par payer d'une manière ou d'une autre <3
Et même si ça parait interminable, ce sera vite fini !
 
Vous êtes capable de grandes choses, ne l'oubliez jamais
[center]Tutrice PASS et LAS[/center]
[center]Co-Responsable Matière L.A.S 2020-2021[/center]
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Pablo
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Je donne des cours de roumains gratuitement si il faut. Comprendra qui pourra. Noumanoumayeh
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Evian
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Courage +++ Luk reste obstinée et tu y arriveras. Merci pour cette Lettre. 
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